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Le droit de la concurrence à la croisée des chemins : nouveaux défis - nouveaux enjeux

Activités scientifiques
Le droit de la concurrence à la croisée des chemins : nouveaux défis - nouveaux enjeux
Le dernier colloque de l'IRDA a eu lieu le 19 juin 2024, en salle des Conseils, et portait sur "Le droit de la concurrence à la croisée des chemins : nouveaux défis - nouveaux enjeux".

Le 19 juin 2024 s’est tenu le colloque annuel de l’IRDA, placé sous la direction scientifique d'Emmanuelle Claudel, Professeur de droit privé à l’Université Paris-Panthéon-Assas, sur le thème « Le droit de la concurrence à la croisée des chemins : nouveaux défis, nouveaux enjeux ». Ce colloque, qui a réuni plus d’une centaine de personnes, avait pour ambition de faire un état des lieux du droit de la concurrence, matière ancrée dans l’économie et la société, et comme telle contrainte de s’adapter à leurs soubresauts et évolutions.

Le colloque s’est ouvert par les mots d’accueil de France Drummond, Professeur à l’Université Paris-Panthéon-Assas et directeur de l’IRDA Paris, et d’Emmanuelle Claudel, qui a rappelé les changements majeurs auxquels nous sommes confrontés : explosion de l’économie numérique et de l’intelligence artificielle, phénomène de captations multiples par de grands acteurs économiques, crise environnementale et montée en puissance de blocs régionaux, qui semblent menacer nos économies, française et européenne, et interrogent notre politique industrielle. Une question en découle : le droit de la concurrence peut-il rester étanche à ces nouvelles problématiques ou doit-il au contraire s’ouvrir à de nouveaux intérêts ? A cette question, un début de réponse a été apporté par Benoit Coeuré, Président de l’Autorité de la concurrence, qui a introduit le colloque. Le président Coeuré, à travers de multiples exemples issus notamment de la pratique contentieuse et consultative française, a démontré la plasticité de cette matière et sa capacité à sortir de ses frontières naturelles.

La matinée, placée sous la présidence de Jean-Christophe Roda, Professeur de droit privé à l’Université Jean-Moulin Lyon III, a été consacrée aux défis posés par l’économie numérique. Dans un premier temps, a été étudiée la façon dont le droit de la concurrence a été bouleversé par le numérique, qui a interrogé ses notions, ses frontières et ses outils. L’entente anticoncurrentielle, traditionnellement conçue et décrite comme un concours de volontés entre entreprises, devient difficile à saisir lorsqu’elle est permise ou facilitée par les algorithmes : ce sont les ententes algorithmiques, dont Frédéric Marty, économiste chargé de mission au CNRS, a questionné la réalité. La position dominante est également fragilisée dans sa démonstration, car il est difficile de mesurer la dominance sur les marchés numériques, les critères traditionnels devenant largement inopérants. Cette difficulté a été abordée par Mme Lilian Grall, avocate associée chez Linklaters.

Au-delà des notions, c’est la question des frontières qui est posée du fait du numérique. La première frontière est celle opposant traditionnellement le droit des pratiques anticoncurrentielles et le droit des concentrations, le contrôle ex post et le contrôle ex ante. Cette frontière est remise en cause par la nécessité d’apporter une réponse au problème des killers acquisitions qui sévit dans l’économie numérique. Ce thème passionnant, qui montre véritablement la plasticité du droit de la concurrence et sa capacité à se mobiliser de façon innovante, a été traité par David Bosco, Professeur de droit privé à l’Université Aix Marseille. De même, la frontière qui séparait le droit de la concurrence et le droit des données personnelles est désormais poreuse, et cela a été démontré par Godefroy de Moncuit de Boiscuille, Maître de Conférences à l’Université Nice côte d’Azur, qui s’est cependant demandé « s’il ne serait pas mieux de cultiver son jardin, au risque sinon de la dénaturation ? ». Cette question traverse évidemment l’entièreté des thèmes abordés dans le colloque. Par ailleurs, Martine Behar-Touchais, Professeur de droit privé à l’Université Paris 1, a montré combien la cohabitation contrainte entre le droit de la concurrence et la nouvelle régulation introduite par le Digital Markets Act, récemment entré en vigueur, s’avérait délicate.

Dans un second temps, a été étudiée la façon dont le droit et les autorités de la concurrence pouvaient, à leur tour, s’emparer du numérique pour améliorer leur capacité à lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Ce thème novateur et passionnant a été traité par Cristiana A. Volpin, Experte concurrence à l’OCDE, détachée à la direction générale de la concurrence de l’Union européenne, dans des développements consacrés à l’intelligence artificielle, avant qu’un échange de vues ait lieu entre Elodie Vandenhende, Adjointe au service de l’économie numérique de l’Autorité de la concurrence, Jacques Steenbergen, ancien Président de l’Autorité belge de la concurrence, et David Imhof, Docteur en sciences économiques et collaborateur scientifique à la Swiss Competition Commission.

L’après-midi, placé sous deux présidences successives, a été consacré aux nouveaux enjeux qui agitent nos sociétés. Le premier est l’enjeu du développement durable, thème placé sous la présidence de Catherine Prieto, Professeur à l’Université Paris 1. Ce thème s’est incarné en droit européen dans le Pacte vert pour l’Europe. Les autorités de la concurrence ont décliné ses implications en droit de la concurrence et ont notamment proposé une analyse des accords de durabilité. Ce thème important a été traité par Anne-Sophie Choné-Grimaldi, Professeur de droit privé à l’Université de Nanterre. A la lecture assez critique de cette dernière a répondu un point de vue plus engagé de la part de deux représentantes d’autorités de concurrence, spécialement investies sur cette question : Elise Provost, Conseiller du rapporteur général et du responsable du réseau développement durable de l’Autorité de la concurrence, et Sandrine Delarue, Assistant Director of the UK Competition and Markets Authority, Head of sustainability policy. Leurs interventions respectives ont montré l’intense mobilisation des autorités de la concurrence sur ce thème, considéré aujourd’hui comme prioritaire. Enfin, Frédéric Jenny, Professeur Emeritus d’Économie à l’ESSEC et Président du Comité de la concurrence de l’OCDE, a traité d’un thème rarement investi, alors que très contemporain : celui de l’économie circulaire.

Le second enjeu est celui de la défense des intérêts européens, à l’heure où la mondialisation de l’économie montre quelquefois ses effets délétères. La dernière partie du colloque, placée sous la présidence d’Emmanuel Combe, Professeur à l’école de droit de la Sorbonne et ancien vice-Président de l’Autorité de la concurrence, a été consacrée à ce thème. C’est en premier lieu la capacité, et la volonté même, du droit de la concurrence à prendre en considération des impératifs liés à la politique industrielle qui a été questionnée. Souvent critiqué pour avoir occulté cet enjeu, le droit la concurrence a su, là encore, évoluer. Ce point a donné lieu à un échange de vues entre de grands spécialistes de la question : Bruno Deffains, Professeur de Sciences Économiques à l’Université Paris-Panthéon-Assas, Thibaud Vergé, Vice-président de l’Autorité de la concurrence, et Olivier d’Ormesson, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, Sciences Po et HEC et "Of Counsel" chez Linklaters, qui ont abordé la question sous un angle tout à la fois concret et historique.

En second et dernier lieu, a été examinée la nécessité d’un contrôle des subventions étrangères. Est souvent dénoncé le fait que les entreprises européennes doivent subir une forme de concurrence déloyale de la part d’entreprises étrangères, notamment chinoises, qui bénéficient d’importantes subventions. Pour répondre à ce problème, qui questionne la compétitivité de l’économie européenne, un important règlement a été adopté : le Règlement 2022/2560 en du 14 décembre 2022. Le texte a été présenté par Francesco Martucci, Professeur de droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas, tandis que Guillaume Aubron, avocat associé du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier, a examiné les difficultés d’application concrète d’un texte qui trouve seulement application.

La journée a été close par un rapport de synthèse de Laurence Idot, Professeur émérite de l’Université Paris-Panthéon-Assas.

Le programme peut être consulté Icône PDFici.

Les actes de cette journée feront l’objet d’une publication sous forme d’un ouvrage aux Éditions Panthéon-Assas.