Retour sur la conférence du cycle « Le droit des affaires en perspective »
L’IRDA met en place, sous la direction scientifique du Professeur Caroline COUPET, un cycle de conférences ayant pour objet d’élargir et d’enrichir l’approche du droit des affaires, en remettant en perspective certains des thèmes, institutions, concepts, œuvres doctrinales ou écoles de pensée, du droit commercial.
La sixième conférence de ce cycle s’est tenue le mercredi 12 juin 2024 et portait sur Edmond Thaller.
Juriste éminent de la fin du XIXème siècle, Edmond Thaller est une figure incontournable du droit commercial. À une époque où l’industrialisation bouleverse la société française, Thaller a durablement marqué l’analyse des institutions commerciales, déployant un esprit de système empreint d’un grand pragmatisme, en revenant constamment au droit commun des obligations, puisant largement au droit comparé et s’appuyant sur une fine connaissance des enjeux pratiques. Sa contribution à la littérature juridique, notamment par le biais de son Traité élémentaire de droit commercial et des Annales de droit commercial qu’il a fondées, a influencé les générations de juristes qui lui ont succédé. L’ampleur des apports de Thaller (théorie du compte courant, des droits propres de l’associé, des titres de crédit) invite à se replonger dans son œuvre et sa postérité.
Florent GARNIER, Professeur d’histoire du droit à l’Université Toulouse Capitole, a présenté l’influence de Thaller sur la construction du droit commercial. Florent GARNIER a d’abord rappelé les origines alsaciennes de Thaller, qui débuta ses études à la faculté de Strasbourg avant de les poursuivre à Dijon et de les terminer à Paris. Agrégé des facultés de droit en 1877, il sera nommé à la faculté de droit de Lyon avant de rejoindre, en 1893, la faculté de droit de Paris. Florent GARNIER a ensuite présenté les nombreuses contributions de Thaller à la formation d’une science juridique avant de souligner son rôle de premier plan dans l’affirmation de l’autorité doctrinale en droit commercial. Florent GARNIER a montré comment Thaller a contribué à renouveler la méthode d’appréhension du droit commercial en combinant une approche scolastique à une méthode d’interprétation plus libre, empruntée pour partie à Jhering. Il a également rappelé l’importance particulière accordée par Thaller à la dogmatique ainsi qu’à l’utilisation du droit civil et des principes généraux pour rationaliser la matière juridique. Il a enfin insisté sur la manière dont Thaller avait utilisé la pratique des affaires pour penser le droit commercial et promu l’étude combinée du droit et de l’économie politique. Thaller a dans le même temps contribué à assoir l’autorité de la doctrine commercialiste en investissant le monde de l’édition. Il est à l’origine de la création des annales de droit commercial, revue dotée dès le départ d’une visée réellement scientifique. Thaller a renforcé l’autorité de la doctrine en élaborant une véritable méthode en droit comparé, transformant la matière commerciale en science commerciale.
Vincent MALASSIGNÉ, Professeur de droit privé et de sciences criminelles à CY Cergy Paris Université s’est intéressé à la postérité de la pensée de Thaller. Vincent MALASSIGNÉ a débuté sa présentation en indiquant que le principal héritage de Thaller résidait dans sa méthode d’analyse et dans sa façon d’appréhender le droit commercial pour l’intégrer dans la matrice générale du droit privé. Vincent MALASSIGNÉ a dans un premier temps rappelé l’importance accordée par Thaller aux principes et à la systématisation du droit. La science de l’observation de Thaller lui a également permis de présenter avec une extrême clarté les spécificités du compte courant et de découvrir des concepts inédits, comme celui de masse des obligataires. Vincent MALASSIGNÉ a ensuite indiqué que Thaller avait toujours cherché à maintenir une véritable unité en droit privé, notamment fondée sur l’idée d’une primauté du droit civil sur le droit commercial. Les expressions de cette primauté se retrouvent dans plusieurs théories de Thaller, comme celles des titres de crédit, où Thaller a recours aux concepts de délégation et de cautionnement.
Si le mouvement d’émancipation du droit commercial vis-à-vis du droit civil a largement contribué à nuancer la primauté du second sur le premier, Vincent MALASSIGNÉ a rappelé que maintenir l’unité du droit privé était, aujourd’hui encore, une nécessité pratique. Vincent MALASSIGNÉ a alors conclu son exposé en soulignant l’importance de conserver cette unité face aux défis contemporains que constituent la fragmentation du droit des affaires et le développement de standards internationaux difficilement conciliables avec les principes du droit français.