Retour sur le Rdv de l'IRDA du 6 juin 2024
Pour le troisième Rendez Vous de l’IRDA de l’année, Joanna GHORAYEB, Sous-directrice du droit économique, Direction des affaires civiles et du sceau, Antoine GAUDEMET, Professeur à l’Université Panthéon-Assas et Jean-Sébastien BORGHETTI, Professeur à l’Université Panthéon-Assas sont intervenus sur « La directive européenne sur le devoir de vigilance : regards français sur un texte de compromis ».
Joanna GHORAYEB a introduit la conférence en dévoilant les arcanes de l’adoption de la directive et en précisant le rôle de premier plan joué par la France dans l’adoption du texte. Un des objectifs des négociateurs français était de garantir un même level playing field en Europe, afin d’éviter que les impératifs issus du devoir de vigilance ne jouent au détriment des entreprises françaises.
Antoine GAUDEMET, a ensuite traité de la question « Le devoir de vigilance européen : quelles obligations, pour quelles entreprises ? ». Sa présentation a d’abord insisté sur le changement de paradigme opéré par ce texte qui, dans la droite ligne de la loi PACTE, intègre les externalités négatives directement dans la gouvernance des sociétés. Antoine GAUDEMET a ensuite structuré sa présentation autour du champ d’application de la directive et des obligations qu’elle pose. Il a montré que si les premières sociétés concernées par ce texte sont les entreprises dites systémiques et les sociétés de pays tiers qui exercent une forte activité économique en Europe, le texte aura nécessairement un impact, par un effet de cascade, sur les PME intégrées dans les « chaînes d’activité », expression dont l’interprétation et les contours constituent le point le plus délicat de la directive. Dans un second temps, Antoine GAUDEMET a exposé les obligations posées par le texte, qu’il a résumé par trois exigences. La première est que chaque société concernée associe les parties prenantes à l’élaboration des mesures de vigilance ; la deuxième est la création d’ordre juridique dérivé au sein des sociétés assujetties afin qu’elles développent leurs propres règles et procédures de gestion des risques ; la dernière est de prévenir ou de faire cesser les incidences négatives qui découlent de leur activité. La directive introduit ainsi un devoir de curiosité, qui impose aux sociétés de s’informer et d’agir.
Jean-Sébastien BORGHETTI a enfin traité de « La responsabilité civile liée au devoir de vigilance ». Son intervention a mis en lumière le compromis européen qu’il a fallu trouver en présence de conceptions différentes des régimes de responsabilité civile des différents États membres. Il s’est ensuite interrogé sur l’articulation des articles 12 et 29 de la Directive, le premier posant une obligation de réparation indépendamment du caractère illicite du fait générateur du dommage, le second organisant, de manière plus classique, la réparation comme sanction civile de la faute..
Ces présentations ont été suivies d'un riche débat qui a notamment porté sur l’installation de la future autorité chargée du contrôle et de la sanction administrative des obligations posées par la Directive.