Déjeuner international autour du Professeur David Snyder - 2023
Contracting for process
Les déjeuners internationaux de l'IRDA réunissent un professeur invité et une quinzaine de doctorants et jeunes enseignants-chercheurs autour d'un sujet d'actualité en lien avec le droit des affaires. L'intervention d'un professeur venant d'une université étrangère offre un nouveau regard sur des questions entrant dans l'activité de recherche de l'IRDA.
Le 13 mars 2023, l’IRDA avait l’honneur de recevoir David Snyder, Professeur au Washington College of Law. Le professeur Snyder a soumis à la discussion sa proposition d’intégrer en common law un nouveau mécanisme contractuel : « Contracting for process ».
Pendant la crise du Covid, une idée a germé dans son esprit : comment peut-on contracter en temps de pandémie ? Ce phénomène sanitaire a en effet entraîné une modification des relations contractuelles par l’impossibilité d’atteindre le résultat convenu du fait des restrictions sanitaires. Or, si le droit français permet d’appréhender de telles situations par l’entremise, notamment, de la distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat, la common law ne connaît pas une telle division : si le résultat contractuel n’est pas atteint, le débiteur est responsable, sous la seule réserve de la force majeure.
David Snyder s’est donc inspiré de la distinction française des obligations de moyens et de résultat pour proposer d’importer l’idée en common law afin de mieux affronter les situations de crise, ou encore les nouvelles exigences consistant à prendre en considération des enjeux tels que le respect des droits humains ou à intégrer le devoir de vigilance, lesquels impliquent nécessairement que les parties doivent faire leur, sans pouvoir garantir un risque zéro.
De ce constat est donc née l’idée, pour David Snyder, d’imaginer en droit anglais le « contracting for process ». Il s’agirait d’une nouvelle manière de contracter : plutôt que de se concentrer sur le résultat que le contrat doit permettre d’atteindre, les parties veilleraient essentiellement à définir les démarches à effectuer pour y parvenir, alors même que ces démarches ne sont pas, en principe, l’objet principal du contrat. Pour l’illustrer, il prend un exemple issu de l’industrie vestimentaire. Le contrat d’achat vestimentaire, dans le cadre de relations commerciales, est en principe simple : acheter des vêtements, lesquels doivent être livrés. Cependant, pendant la période du Covid, une difficulté est née. Les besoins vestimentaires ont drastiquement diminué et tant les producteurs que les revendeurs ne savaient quand et dans quelles mesures (notamment en terme quantitatif) il serait possible de reprendre le marché. De fait, l’institution du « contracting for process » se serait avérée utile en contractant non simplement sur la vente et l’acquisition de vêtements, mais également, et surtout, sur la manière dont seront mises en place les processus et les démarches afin de relancer progressivement l’activité de chacune des parties.
David Snyder précise néanmoins que cette institution n’est pas liée qu’aux seuls contrats relationnels ou à long terme mais qu’elle pourrait s’intégrer à tous les types de contrat où le processus l’emporte sur le résultat. Plus précisément, le recours au « contracting for process » apparaîtrait nécessaire lorsque les coûts de production sont élevés et incertains ou, dans le sens contraire, lorsque les coûts de précision du processus permettant d’aboutir au résultat contractuel voulu sont inférieurs au coût de précision de l’objectif principal du contrat.
Il note, enfin, que l’aspect pratique intéressant dans l’utilisation du « contracting for process », est qu’il ne s’agit pas d’un deuxième contrat adjacent à un autre mais d’un seul et même contrat où le processus de réalisation de celui-ci, pour les deux parties, serait décrit afin que son exécution soit plus efficace. En ce sens, cela permettrait de construire une meilleure relation de confiance entre les parties en réduisant le risque d’opportunisme. Plus encore, cette institution aurait une valeur opérationnelle importante dans un contexte d’horizontalisation des firmes (c’est-à-dire un management des firmes basé sur la prise en considération des besoins de leurs collaborateurs) tout en valorisant l’ingénierie des systèmes de production.
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IRDA's international lunches bring together a guest professor and about fifteen doctoral students and young researchers to discuss a current topic related to business law. The intervention of a professor coming from a foreign university offers a new perspective on issues related to IRDA's research activities.
On March 13, 2023, IRDA was honored to receive David Snyder, Professor at the Washington College of Law. Professor Snyder presented for discussion his proposal for a new contractual mechanism in common law: "Contracting for process".
During the Covid crisis, an idea was born in his mind: how can one contract in times of pandemic? This sanitary phenomenon has indeed led to a modification of contractual relations by the impossibility of achieving the agreed result due to sanitary restrictions. However, while French law allows for the understanding of such situations through the distinction between an obligation of means and an obligation of result, the common law does not recognize such a division: if the contractual result is not achieved, the debtor is liable, subject only to force majeure.
David Snyder therefore drew inspiration from the French distinction between obligations de moyens and obligations de résultat to propose importing the idea into common law in order to better deal with crisis situations, or with the new requirements to take into account issues such as respect for human rights or to integrate the duty of vigilance, which necessarily imply that the parties must do their best, without being able to guarantee zero risk.
From this observation, David Snyder came up with the idea of "contracting for process" in English law. This would be a new way of contracting: rather than focusing on the result that the contract must achieve, the parties would essentially define the steps to be taken to achieve it, even though these steps are not, in principle, the main object of the contract. To illustrate this, he uses an example from the clothing industry. The contract for the purchase of clothing, in the context of a commercial relationship, is in principle simple: to buy clothing, which must be delivered. However, during the Covid period, a difficulty arose. The need for clothing decreased drastically and both producers and retailers were unsure when and to what extent (especially in terms of quantity) it would be possible to resume the market. In fact, the institution of "contracting for process" would have proved useful by contracting not only on the sale and acquisition of garments, but also, and above all, on the way in which the processes and procedures will be put in place in order to gradually revive the activity of each of the parties.
David Snyder nevertheless points out that this institution is not linked only to relational or long-term contracts, but that it could be integrated into all types of contracts where the process prevails over the result. More specifically, recourse to "contracting for process" would appear to be necessary when production costs are high and uncertain or, conversely, when the cost of precision of the process leading to the desired contractual result is lower than the cost of precision of the main objective of the contract.
Finally, he notes that the interesting practical aspect in the use of "contracting for process" is that it is not a second contract adjacent to another but a single contract where the process of achieving it, for both parties, would be described so that its execution would be more efficient. In this sense, it would build a better relationship of trust between the parties, reducing the risk of opportunism. Moreover, this institution would have an important operational value in a context of horizontalization of firms (i.e. a management of firms based on the consideration of the needs of their collaborators) while valorizing the engineering of production systems.