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Retour sur la 7e conférence du cycle « Le droit des affaires en perspective »

Activité de recherche
Retour sur la 7e conférence du cycle « Le droit des affaires en perspective »
Jeudi 12 décembre, s’est tenue la septième conférence du cycle organisé par l’IRDA Paris.

L’IRDA met en place, sous la direction scientifique du Professeur Caroline COUPET, un cycle de conférences ayant pour objet d’élargir et d’enrichir l’approche du droit des affaires, en remettant en perspective certains des thèmes, institutions, concepts, œuvres doctrinales ou écoles de pensée, du droit commercial.

La septième conférence de ce cycle s’est tenue le jeudi 12 décembre 2024 et avait pour thème « L'arbitrage, entre enjeux commerciaux et enjeux diplomatiques. »

Au début du XIXème siècle, la France est rétive à l'arbitrage. Au fil du temps cependant, la Cour de cassation assouplit sa politique, dans le but de faire de la France une place commerciale internationale. Il s'agit aussi de garantir la paix en Europe en favorisant le développement du commerce entre Nations. Ce mouvement conduit également à la création, à Paris, de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, en 1923. En attirant les arbitrages commerciaux internationaux sur son territoire, la France promeut aussi son modèle juridique. Commerce, diplomatie, politique sont étroitement mêlés. C’est dans ce contexte propice au développement de l’arbitrage international que voit le jour une école française de l’arbitrage international dans la deuxième moitié du XXème siècle. Tant par sa composition que par la créativité de ses membres, cette école a eu une grande influence sur la pratique de l’arbitrage international en France et au-delà.

Carine BECHAREF JALLAMION, Professeur agrégé d'histoire du droit et des institutions, Vice-Doyen, Université de Montpellier a présenté l’évolution de l’arbitrage aux XIXème et XXème siècles, d’enjeux nationaux vers des enjeux internationaux. Elle a rappelé tout d’abord l’ancienneté du recours à l’arbitrage. Développé dès l’Antiquité, il est particulièrement présent dans le droit romain. Si l’arbitrage n’a jamais véritablement cessé d’exister depuis lors, il a connu un nouvel essor vers la fin du XIe siècle, à l’occasion du regain d’intérêt des juristes médiévaux pour les textes antiques. Le Roi y est attentif, qui entend maintenir une forme de contrôle sur les sentences arbitrales par le biais de l’appel. A l’époque moderne, le pouvoir royal soutient l’arbitrage, notamment entre parents et entre marchands, tandis qu’il se méfie des juges. Ce mouvement se poursuit à la Révolution, qui voit le recours à l’arbitrage consacré en tant que droit naturel. Carine BECHAREF JALLAMION a toutefois exposé, ensuite, un premier mouvement de défiance envers l’arbitrage, à partir de la codification napoléonienne, au nom d’enjeux nationaux. Il est relégué, au profit de la justice étatique, au sein du Code de procédure civile comme de la jurisprudence de la Cour de cassation, hostile à la clause compromissoire. Pour autant, dans la seconde moitié du XIXe siècle, le commerce international est en plein développement. Le droit français apparaît inadapté à ces nouveaux enjeux internationaux. Carine BECHAREF JALLAMION a montré comment, à partir du Second Empire, le recours à l’arbitrage a regagné progressivement sa légitimité. La France, rétive à la clause compromissoire, était isolée face à l’Allemagne, l’Angleterre ou encore la Belgique, où l’arbitrage se développe. Progressivement, dans cette période de prospérité commerciale, la Chambre des requêtes va faire évoluer le droit français. Elle admet, par touches successives, les clauses compromissoires en soumettant leur validité à des critères de plus en plus sûrs. Cette évolution va favoriser les échanges commerciaux, mais aussi diplomatiques, et permettre d’éviter des conflits internationaux. 

Mikaël SCHINAZI, Avocat aux barreaux de Paris et New York, Jones Day, a présenté les caractéristiques d’une véritable école française de l’arbitrage international, au titre d’une approche historique, sociologique et juridique. Les années 1950 marquent un tournant dans l’histoire de l’arbitrage, qui était jusqu’alors très territorial. La Convention de New-York (1958) marque une vraie rupture avec cette conception traditionnelle et fait entrer l’arbitrage dans « l’âge de l’autonomie » : celle d’un champ disciplinaire à part entière, avec sa propre doctrine. L’arbitrage s’institue comme un corpus de droit séparé. Cette autonomie voit naître une école française de l’arbitrage, qui cherche à le théoriser.  Deux constructions majeures en témoignent : la lex mercatoria et l’ordre juridique arbitral. Mikaël SCHINAZI a montré qu’une première école française s’est fédérée autour du concept de lex mercatoria, notamment l’école dite « de Dijon » au tournant des années 1960. Ainsi, Berthold Goldman constate dans un célèbre article de 1964 que les relations commerciales internationales échappent à l’emprise d’un droit étatique, voire d’un droit uniforme. Cette théorie ne fait pas l’unanimité. Elle suscite même de vives critiques et la doctrine se divise en deux camps : les « mercatoristes » et « antimercatoristes ». Sur ce ferment se développe une seconde génération de théoriciens de l’arbitrage en France, dans les années 1980. Elle met en lumière la notion « d’ordre juridique arbitral », tout en délaissant la controverse autour de la lex mercatoria. Elle développe l’idée que ce sont les droits des différents États, appréhendés de façon collective, qui constituent la source du droit arbitral. Est ainsi exploré le volet constitutionnel de la matière, plus précisément la norme fondatrice qui justifie le pouvoir de juger des arbitres. Il existe donc bel et bien une école française de l’arbitrage international.